la revue fiscale du patrimoine
69 24. - Une occasion à saisir. - Dès lors, le courant de simplification, dans lequel s'inscrit la suppression de l'obligation de rapport de gestion pour les Petites Entreprises, offre au dirigeant d'entreprise une réelle occasion de repenser plus globalement sa communication aux associés, non seulement dans sa construction mais également dans son contenu. Elle ne doit plus être appréhendée par le dirigeant comme une simple obligation de moyens mais véritablement comme une obligation de résultat, au sens où la qualité de la communication délivrée aux associés devient, pour ces derniers, un critère d'appréciation d'une direction performante. 25. - Co-construction de la communication. - En fonction de la forme so- ciale de la société concernée, l’élaboration de la structure du rapport de ges- tion revêt un caractère tantôt individuel (ex. le gérant de SARL ou le président de SAS) ou tantôt collectif (ex. le conseil d’administration ou le directoire d’une société anonyme). Quel que soit cependant le processus d’élaboration retenu (le cas échéant avec l’assistance des fonctions supports de l’entre- prise), l’élaboration du rapport de gestion présente malheureusement l’in- convénient de s’inscrire dans une démarche uniquement descendante (de la direction vers les associés), ce qui est susceptible de rendre l’information délivrée sinon incompréhensible, du moins inadaptée aux associés familiaux. Auditoire souvent passif d’une communication qu’ils jugent inutile ou incom- plète, ces derniers pourraient pourtant se révéler de véritables partenaires notamment en vue de développer de nouvelles stratégies ou d’identifier et de prévention des risques, comme évoqué plus haut. 26. - Rôles des instances familiales. - Ainsi, dans une entreprise fami- liale qui aurait choisi d’instituer une instance familiale ad hoc pour porter et défendre les valeurs de la famille (ex. comité familial ou conseil de famille, assemblée familiale, association familiale) au sein du projet d’entreprise, le[s] dirigeant[s] pourraient instaurer un dialogue avec ladite instance afin de dé- terminer, pour se mettre en capacité d’y répondre efficacement, le schéma de communication pertinent pour les associés tout au long de l’exercice et aussi mieux comprendre leurs besoins quant au format, type ou fréquence d’information. 27. - Approche holistique. - Le contenu et les modalités de diffusion de la communication entre l’actionnariat et la direction doivent être réalisés en cohérence avec la documentation de l’entreprise afin de formaliser le projet d’entreprise dans sa globalité, incluant également les valeurs et la mission portées par l’entreprise. Au-delà de la documentation préparée par l’entre- prise, les autres acteurs agissant aux côtés de la société (conseil juridique, expert-comptable, conseil en gouvernance, etc.) pourront également, dans une approche collaborative, contribuer à la construction du nouveau rapport de gestion « à 360 degrés » de la société en abordant tous les enjeux de l’entreprise. 28. - Philosophie du nouveau rapport de gestion. - Compte tenu des ob- jectifs et attentes détaillés ci-avant, le nouveau rapport de gestion ne peut plus être seulement un rapport plus ou moins descriptif du passé avec pour seul point d’orgue la fixation du montant du dividende de l’année. Il doit alors être une véritable feuille de route de la stratégie de l’entreprise, un plan d’ac- tions bâti sur des objectifs communs partagés à moyen/long terme entre la direction et l’actionnariat. C’est seulement ainsi que ce nouveau rapport peut devenir créateur de sens et vecteur de lien pour l’associé familial. 29. - D’un contenu contraint... - Davantage vue comme une contrainte dans les sociétés commerciales que dans les sociétés civiles, la rédaction du rap- port de gestion impose traditionnellement l’insertion d’un certain nombre de mentions obligatoires qui doivent notamment permettre aux associés, lors de l’assemblée générale annuelle, d’émettre un vote parfaitement éclairé, spécialement s’agissant de l’approbation des comptes annuels. 30. - ... Vers un contenu libre. - Désormais libéré de ce carcan rédactionnel (et en l'absence de disposition statutaire se référant à un contenu légal du rapport de gestion), le dirigeant a toute latitude pour réfléchir à des propositions de contenus, pertinents et efficaces, permettant aux associés familiaux de comprendre, s'approprier et porter le projet d'entreprise. 31. - Mais quelles informations retenir ?. - Au regard des principales at- tentes exprimées par les associés familiaux, les informations retenues pour- raient selon nous s’articuler autour des thèmes suivants : - information financière rappelant notamment les données comptables (bilan et compte de résultat) et agrégats financiers (marge brute ou nette, EBIT, etc.) significatifs pour l’entreprise au cours de l’exercice écoulé, tout en les analysant au regard d’un business plan à court/ moyen terme et d’informations de marché, pour donner aux associés familiaux non pas seulement une photographie à date mais une vision dynamique des performances de l’entreprise ; - information patrimoniale orientée sur la valorisation de l’entreprise et permettant aux associés familiaux d’apprécier la valeur de leur partici- pation et de déterminer ainsi leurs propres arbitrages patrimoniaux et objectifs de liquidité dans le respect de l’intérêt social ; - information managériale et opérationnelle axée sur la conduite de l’activité (description des produits/services, des marchés) et les res- sources humaines opérationnelles (organigrammes organisationnels et hiérarchiques) pour donner une image concrète de l’entreprise aux associés familiaux ; - information stratégique détaillant la mission de l’entreprise, sa raison d’être, ses valeurs ainsi que les actions et projets qu’elle entend mettre en place à moyen/long terme pour les servir, et permettant en définitive aux associés familiaux de repenser leur place et leur rôle dans la durée de sorte à donner du sens à leur participation dans l’entreprise. 32. - Cependant, au-delà des perspectives nouvelles, notamment quant au contenu, que le législateur offre au dirigeant d’entreprise, petite ou grande, et qui représentent une réelle opportunité pour lui de recréer du lien entre la direction et l’actionnariat, ne pourrait-on pas également envisager que le « nouveau rapport de gestion », qu’on le dénomme ainsi ou autrement, consti- tue un outil innovant d’évaluation et/ou d’étude d’impact pour le dirigeant ? Ce serait d’ailleurs l’occasion pour lui de donner la parole aux associés fami- liaux en vue de proposer, dans une certaine mesure, une démarche collabo- rative dans la construction de la stratégie d’entreprise. Julie LABEDAN avocat associé Fidal, direction technique droit des sociétés Anne MÉHU Magistrate, avocate générale à la Cour de cassation et Laurent ALLARD associé-gérant Family & Co
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