la revue fiscale du patrimoine

ENTREPRISE FAMILIALE 68 17. - Méthode. - Mais ce sentiment d’appartenance des associés familiaux ne pourra apparaître qu’après une identification claire des objectifs et at- tentes des dirigeants et associés en matière d’information (a) d’une part, et d’autre part une prise de conscience par les dirigeants de la nécessité d’avoir à créer de nouveaux modes de communication désormais hors des sentiers battus du Code de commerce (b) . a) L’identification préalable et nécessaire des objectifs/attentes du di- rigeant et des associés 18. - Pour le dirigeant : des objectifs identifiés. - Lorsqu’il communique avec les associés, le dirigeant poursuit des objectifs multiples. D’abord il doit satisfaire au droit à l’information dont disposent les associés dans l’exer- cice de leur participation aux décisions collectives (C. civ., art. 1844, al. 1). Ainsi le dirigeant va-t-il au-delà de la simple reddition des comptes pour véritablement informer les associés de la vie de la société et de la conduite des affaires. Le premier bénéfice de cette communication est d’impliquer les associés et ainsi favoriser leur adhésion au projet d’entreprise. Par la diffu- sion d’informations compréhensibles par tous et en favorisant le débat, le dirigeant donne aux associés la possibilité de réellement échanger et décider ensemble le moment venu. Les associés, bien informés (c’est-à-dire recevant la « bonne » information au « bon » moment), sont en capacité de poser des questions, de challenger les décisions prises ou à prendre et donc d’aider la direction, d’une certaine manière, dans la conduite des affaires, au moins en ce qui concerne les décisions les plus importantes. Une bonne information des associés contribue également à la prévention des difficultés : dans une situation plus difficile, le dirigeant devra expliquer les données du problème et les modalités de réaction qu’il propose de mettre en œuvre, donner des éléments de preuve sur la manière dont un risque est anticipé. Le dirigeant a tout intérêt à clarifier sa communication afin de rendre la prise de décision de l’associé plus éclairée. L’information régulière et pertinente devient dès lors le socle d’une aventure collective, permettant tant à la direction qu’à l’actionnariat de faire face et bloc devant les éventuels écueils rencontrés par l’entreprise. Lorsque l’on considère la dynamique collective et la fierté d’appartenance à l’histoire entrepreneuriale familiale, l’accès à l’information et la possibilité de contribution sont les éléments de base pour développer le sentiment d’adhésion des associés, et ainsi faire des associés un pilier au soutien du projet de l’entreprise. 19. - Pour les associés : des attentes rarement exprimées et distinctes en fonction des situations personnelles. - Les associés ont, quant à eux, des attentes d’informations souvent peu explicites et qui peuvent varier en fonction de leur position dans le dispositif actionnarial et de la nature de leur attachement à l’entreprise : - l’associé détaché ou « apathique » vis-à-vis de la société n’exprime pas d’attente, mais doit être considéré, pour éviter que le détachement ne se transforme en rupture avec les problématiques que pourrait gé- nérer une telle situation (ex. mésentente entre associés) ; - l’associé « financier » , au-delà de son lien personnel avec l’entreprise, construit une stratégie patrimoniale propre qui peut le conduire, le cas échéant, à céder sa participation : il a besoin de visibilité et d’être ras- suré quant aux perspectives de performance de sa participation, afin d’avoir la conviction de disposer des informations stratégiques essen- tielles sur l’entreprise, condition essentielle pour asseoir sa volonté de rester durablement associé ; - l’associé « impliqué » qui, en plus de son statut d’associé, exerce également des fonctions au sein de l’entreprise et développe donc à son égard un attachement non seulement personnel mais également professionnel. Un tel associé a besoin de se sentir intégré en confiance pour devenir, le cas échéant, un véritable ambassadeur du projet fa- milial. Il est un acteur essentiel du dispositif de communication mis en place entre la direction et l’actionnariat et devient ainsi un communi- cant convaincu et convaincant au service du projet d’entreprise. Globalement, les attentes des associés peuvent être rassemblées autour des axes suivants : - avoir des perspectives sur l’avenir du capital et du patrimoine com- mun ; - avoir des points d’appui pour échanger, contribuer, communiquer ; - être en situation de challenger, de lever des alertes. 20. - L’enjeu : porter ensemble le projet commun. - Pour tous les associés, l’information doit nourrir le sens qu’ils mettent dans leur engagement au sein de l’aventure familiale. Elle doit démontrer la mise en œuvre du projet col- lectif, la poursuite des objectifs communs. En synthèse, diffuser une informa- tion pertinente permet de porter ensemble (dirigeants et associés) la mise en œuvre du projet d’entreprise et également d’inscrire les échanges dans une relation de confiance et de transparence. Mais lorsque la norme du rapport de gestion disparaît, comment structurer et diffuser l’information, comment évaluer la pertinence de tel ou tel contenu, ou sa lisibilité ? b) Réflexions sur le nouveau contenu du rapport de gestion 21. - Maintien de l’obligation de reddition des comptes. - Rappelons au préalable que si la suppression du rapport de gestion allège le formalisme des Petites Entreprises, elle n’a pas fait disparaître pour autant l’obligation de reddition de comptes par écrit ( C. com., art. L. 232-1, II) , laquelle pèse sur le dirigeant de société commerciale à l’égard de ses associés. 22. - Rapport de gestion de source conventionnelle. - En outre, l’obligation d’établir formellement un rapport de gestion peut également ressurgir pour les Petites Entreprises, non pas légalement mais conventionnellement, lorsque des dispositions statutaires ou extrastatutaires la prévoient expressément Note 5 . 23. - Inadaptation des obligations légales et réglementaires. - Dans ce contexte, et au regard des attentes nouvelles et diverses exprimées par les associés familiaux en matière d’information et de transparence, il ressort net- tement que l’information « traditionnelle », d’origine légale ou réglementaire, délivrée par le rapport de gestion ne permet plus au dirigeant de remplir de manière satisfaisante son obligation de reddition de comptes. Note 5 En ce sens, Communication Ansa, comité juridique, n° 19-016, 6 mars 2019. – R. Mortier, Le sort des clauses statutaires portant obligation d’établir un rapport de gestion depuis la dispense légale : Dr. sociétés 2019, étude 7.

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