la revue fiscale du patrimoine
67 - le sense giving (ou sens proclamé), qui procède d’une série d’affir- mations institutionnelles, d’actes et de symboles énoncés ou promus par les leaders de l’entreprise familiales (dirigeants ou autres leaders familiaux) ; - le sense making (ou identité ressentie), qui est la résultante de la per- ception subjective et partagée par les associés familiaux de l’identité de l’entreprise familiale et de leur implication dans des actions créatrices de sens. 8. - Nous nous arrêterons dans ce dossier, sur les outils de sense making , permettant de travailler sur le ressenti de l’associé familial et visant à ce qu’il trouve du sens à sa présence au capital social : - en favorisant un environnement dans lequel il puisse jouer son rôle d’associé, s’épanouir et développer un sentiment d’utilité ; - tout en prenant en compte la variété des profils au sein du collège des associés familiaux, avec des besoins de formation, d’information et d’implication spécifiques à chacun, afin de faire de cette diversité une chance pour le projet familial. 9. - Seront tour à tour examinés les outils renforçant le sentiment d’associa- tion de l’associé familial au processus décisionnel (1) , ceux lui permettant de s’investir dans un projet particulier ou de se voir confier une mission dans la conduite du projet actionnarial (2) , ceux lui permettant de se projeter tant au plan financier que patrimonial (3) et nous achèverons cette étude en prenant en considération la nécessaire montée en puissance des nouvelles généra- tions d’associés (4) . 1. Les outils renforçant le sentiment d’association au processus décisionnel A. - Les outils favorisant la compréhension des associés 1° La fin du contenu obligatoire du rapport de gestion dans les PME : plaidoyer pour une communication plus pertinente 10. - Réformes récentes. - Depuis 2018, le législateur a entrepris un vaste programme de réformes visant à alléger certaines contraintes légales aux- quelles pouvait être assujetti le dirigeant de la Petite Entreprise Note 2 . 11. - Certaines réformes sont emblématiques de ce mouvement général : - loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance : suppression, dans les sociétés commerciales éligibles à la définition des Petites Entreprises, quelle que soit leur forme Note 3 , de l’obligation pour le mandataire social d’établir un rapport de gestion pour les sociétés commerciales ; - loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transfor- mation des entreprises, dite « loi Pacte » : dispense d’avoir à nommer un commissaire aux comptes dans un grand nombre de sociétés commer- ciales ne franchissant pas certains seuils (chiffre d’affaires hors taxes, total de bilan, effectifs) et en particulier au sein des Petites Entreprises ; - décret n° 2019-539 du 29 mai 2019 portant application de l’article 47 de la loi Pacte, modifiant les articles L. 123-16, alinéa 1 et D. 123-200 du Code de commerce : présentation « simplifiée » des comptes et docu- ments financiers annuels des Petites Entreprises. 12. - Portée. - Si ce courant législatif de simplification vise uniquement les Petites Entreprises, les problématiques soulevées en matière de communi- cation et de lien entre la direction et l’actionnariat sont cependant loin d’être l’apanage de ces dernières. Au-delà des objectifs d’économies affichés Note 4 par le législateur, ce dernier a créé, en réalité, un contexte idoine pour enga- ger et nourrir, plus largement, les réflexions du dirigeant d’entreprise, grande ou petite, sur le contenu de sa communication à l’égard des associés. 13. - Du point de vue des dirigeants. - Nous pouvons aisément supposer l’accueil favorable réservé à cet allègement des obligations légales dans la reddition de comptes de la société commerciale par des chefs d’entreprise soucieux d’optimiser leur temps et le coût de leurs conseils. 14. - Du point de vue des associés. - Mais qu’en est-il des associés ? Du point de vue de ces derniers, l’évolution législative sus-évoquée pourrait être perçue comme un appauvrissement de l’information légale qui leur était jusqu’alors due. En poursuivant le raisonnement, nous pouvons légitimement nous demander si le sens des votes exprimés ne sera pas affecté à l’avenir, par pure méconnaissance ou par une mauvaise appréciation de la situation. 15. - Risques. - Dès lors, si les objectifs de simplification et d'économie poursuivis par le législateur en faveur du dirigeant sont atteints, nous pouvons cependant redouter en pratique un éloignement, voire une rupture, entre une direction d'entreprise satisfaite d'être délestée d'une contrainte formelle jugée trop lourde et un actionnariat gagné par un sentiment croissant de frustration et d'incompréhension face à une absence de communication de la direction quant à la marche de l'entreprise. Cette liberté consentie par le législateur pourrait d'ailleurs être vue comme contradictoire au regard de la considération grandissante que nous constatons pour le sentiment d'appartenance des associés, sentiment qui n'a jamais tant donné lieu à réflexions et débats. 16. - Enjeux. - Face à l’évolution ou à la disparition des outils traditionnels (ex. suppression du rapport de gestion, absence de commissaire aux comptes et donc du rapport sur les comptes annuels), la communication entre la di- rection générale d’une entreprise, quelle que soit la taille de cette dernière, et son actionnariat est donc à réinventer pour renforcer, voire créer un réel sentiment d’appartenance des associés familiaux. Note 2 Petite Entreprise au sens de l’article D. 123-200 du Code de commerce (6 millions d’euros total du bilan, 12 millions d’euros montant net du chiffre d’affaires, 50 salariés). Note 3 Sous réserve des exclusions visées à l’article L. 232-1, IV du Code de commerce : « Cette dispense n’est pas applicable aux sociétés appartenant à l’une des catégories définies à l’article L. 123-16-2 ou dont l’activité consiste à gérer des titres de participations ou des valeurs mobilières ». Note 4 V. Étude d’impact du projet de loi pour un État au service d’une société de confiance, p. 206.
RkJQdWJsaXNoZXIy MTQxNjY=