la revue fiscale du patrimoine

ENTREPRISE FAMILIALE 60 35. - La clause de liquidation alternative . – Pour prévenir la crise éventuelle du couple, les rédacteurs ont pris l’habitude de prévoir une clause de liquidation alternative en réservant les avantages matrimoniaux au seul cas de dissolution du régime par décès, revenant à la règle du partage par moitié dans les autres cas. Cette stipulation a perdu de son intérêt depuis la réforme du divorce entrée en vigueur le 1er janvier 2005, le deuxième alinéa de l’article 265 du Code civil prévoyant désormais la révocation de plein droit des gains de survie en cas de divorce. Toutefois, la clause alternative conserve une utilité pour le cas de décès en cours de séparation. Compte tenu de la diversité des cas de divorce, la clause de liquidation alternative classique visant l’absence d’instance en di- vorce est devenue trop restrictive. La rédaction doit aujourd’hui être adaptée. POUR ALLER PLUS LOIN - FORMULE : CLAUSE DE LIQUIDATION ALTERNATIVE EN CAS DE DÉCÈS EN COURS DE SÉPARATION La présente convention relative à la liquidation de la communauté sera toutefois caduque si le décès du prémourant des époux se produisait après un divorce définitif entre eux ou avant que le divorce convenu ou prononcé ait pris effet (convention de divorce par consentement mu- tuel par acte sous signature privée contresigné par avocats non encore déposé au rang des minutes du notaire ou décision prononçant le di- vorce n’ayant pas acquis force de chose jugée). Il en sera de même si le décès du prémourant des époux se produisait postérieurement aux démarches faites par l’un d’eux auprès d’un avocat en vue d’un divorce par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats, ou en vue de la remise au greffe de la requête prévue à l’article 1089 du Code de procédure civile en cas de divorce judiciaire par consentement mutuel, ou encore en vue de la présentation au juge aux affaires familiales de la requête prévue à l’article 1106 du même code pour les autres procédures de divorce judiciaire, le tout sous ré- serve que ces démarches soient toujours en cours, c’est-à-dire à défaut de réconciliation. La même caducité s’appliquera mutatis mutandis au cas de la sépara- tion de corps. 36. - La stipulation d’une clause alsacienne . – Si la clause de non-divorce est contraire à un texte d’ordre public, la loi du 23 juin 2006 a consacré la vali- dité de la clause de reprise des apports (C. civ. , art. 265, al. 3). Le notaire doit informer le couple de la possibilité d’insérer une telle clause dans la convention de mariage, sauf à manquer à son devoir de conseil Note 77 , et se préconstituer la preuve de cette information, lorsque la clause n’est pas retenue. Cette facul- té n’est pas de droit, elle doit être prévue. Stipuler une clause alsacienne par simple renvoi au troisième alinéa de l’article 265 du Code civil est insuffisant et risque de soulever des difficultés au moment de la liquidation du régime matrimonial. Quid de la nature juridique de la reprise ? Quid de l’aliénation des biens apportés ? Possibilité d’une reprise en valeur ? Dans l’affirmative, quid de son évaluation ? L’efficacité de la clause impose une rédaction s’efforçant de répondre de façon anticipée à ces questions. Sous réserve que la clause alsa- cienne ne soit pas contraire aux bonnes mœurs (C. civ. , art. 1387) et ne consti- tue pas une condition résolutoire prohibée par les dispositions impératives du premier alinéa de l’article 265 Note 78 , le rédacteur a toute latitude. Quelques pré- cisions d’ordre juridique sont utiles avant de proposer une formule : - sur la nature juridique de la reprise, le texte est peu loquace et la jurispru- dence est rare. Deux thèses s’opposaient Note 79 . Selon la première, la reprise est une condition résolutoire modifiant rétroactivement la composition des masses propre et commune Note 80 . Selon la seconde, il s’agit d’une clause relative à la li- quidation de la communauté sans impact sur la composition de celle-ci. La pre- mière thèse a été condamnée implicitement par l’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 14 mars 2012 Note 81 ayant consacré le caractère impératif du premier alinéa de l’article 265 du Code civil et privant d’effet la clause de non-divorce ; - il y a lieu de préciser que les biens ameublis, notamment l’entreprise, ne fe- ront l’objet d’aucune reprise, même en valeur, s’ils sont donnés par les époux ou l’un d’eux ; - il ne faut pas, selon nous, déduire de la rédaction du texte que seule la reprise des biens « apportés » au sens strict est possible. Le texte doit être entendu largement : outre ceux apportés, sont concernés tous biens tombés en com- munauté qui, sous le régime de la communauté légale, auraient constitué des propres Note 82 ; - la restitution aura lieu en nature si le bien existe toujours au moment de la reprise et, à défaut, en valeur Note 83 ; - les dépenses liées à l’ amélioration ou la conservation du bien apporté lato sensu , puis repris, doit donner lieu à indemnisation . Le fondement de celle-ci reste discuté Note 84 même si la Cour de cassation, dans l'arrêt rendu le 16 juin 1992, a retenu l'existence d'une récompense due à la communauté Note 85 . En tout état de cause, pour éviter toute discussion, on ne voit pas ce qui interdirait aux époux de choisir l’application de la théorie des récompenses Note 86 , plutôt que celle des impenses (C. civ. , art. 1352-5) . Moins encadrée par la loi, la seconde laisse davantage la place à une appréciation judiciaire et à des discus- sions dans les prétoires ; - il semble que la reprise ne joue pas de plein droit et que l’époux apporteur peut choisir d’exercer ou pas son droit. Cela est cohérent avec le caractère impératif du premier alinéa de l'article 265 du Code civil et l'emploi du verbe « pouvoir » par le texte conforte cette analyse. En tout état de cause, rien ne Note 77 Cass. 1re civ., 30 avr. 2014, n° 13-16.380 : JurisData n° 2014-008545. Note 78 Cass. 1re civ., 14 mars 2012, n° 11-13.791, préc. note 76. Note 79 Cass. 1re civ., 16 juin 1992, n° 91-10.321 : JurisData n° 1992-001328 ; Defrénois 1993, art. 35416, spéc. p. 36 s., note M.-C. Forgeard. Note 80 D’où les doutes sur la validité de la clause, avant sa consécration par le législateur de 2006, comme contraire au principe de l’immutabilité des conventions matrimoniales. Note 81 Cass. 1re civ., 14 mars 2012, n° 11-13.791, préc. note 76. Note 82 Comp. Fr. Terré et Ph. Simler, préc. note 5, n° 749, à propos de la reprise prévue à l’alinéa 2 de l’article 1525 du Code civil. Note 83 Comp. Fr. Terré et Ph. Simler, préc. note 5, n° 749. Note 84 M.-C. Forgeard, préc. note 79 ; RTD. civ. 1993, p. 187, obs. B. Vareille. Note 85 Cass. 1re civ., 16 juin 1992, n° 91-10.321, préc. note 79. – Comp. Cass. 1re civ., 23 sept. 2015, n° 14-18.131 : JurisData n° 2015-020992, pour une application de la théorie des impenses à l’occasion de la réalisation d’une condition résolutoire, en l’occurrence un retour conventionnel.

RkJQdWJsaXNoZXIy MTQxNjY=