la revue fiscale du patrimoine

59 du « mini » abus de droit s’éloignera : l’existence d’une fraude à la loi sera dif- ficile à justifier (élément objectif), et si tel était le cas, resterait à démontrer que les époux ont été principalement animés par une volonté d’éluder ou d’atténuer la charge fiscale (élément subjectif). L’Administration elle-même rappelle que l’existence d’un abus de droit nécessite la réunion des deux éléments objectif et subjectif Note 68 . CONSEIL PRATIQUE Si le recours au rescrit (LPF, art. L. 64 B) n’est pas souhaité par les époux car jugé trop long (délai de réponse de 6 mois) ou parce qu’une réponse négative en amont serait inopportune, la mise en communauté de l’entreprise doit être entourée de nombreuses précautions, même si elles ne sont pas cumulatives : - il est préférable que la donation soit réalisée après l’écoulement d’un laps de temps certain après la modification du régime matrimonial ; en aucun cas, la transmission ne doit être opérée avant l’expiration des délais d’opposition des enfants majeurs et des créanciers ; - l’option pour une communauté universelle démontre l’existence d’autres intérêts, l’entreprise se fondant dans la masse apportée ; - l’entreprise fera l’objet d’un avantage matrimonial (préciput notam- ment) aux fins de protection du conjoint et de l’entreprise elle-même (continuité de l’exploitation favorisée) ; - en cas de donation partielle et cession à titre onéreux du surplus des titres sociaux, sera conservée la trace que le prix de cession est desti- né à assurer le maintien des époux et du survivant d’eux ; - on gardera également la trace, si ce n’est précisé dans la convention de mariage, que la mise en commun de l’entreprise a un sens parti- culier lorsque le conjoint non-propriétaire a participé à l’exploitation d’une façon ou d’une autre ; - des échanges de correspondances et comptes-rendus de réunions faisant apparaître l’intérêt civil de l’ameublissement de l’entreprise seront opportunément conservés. c) La gestion des récompenses 31. - Le sort des récompenses liées à l’entreprise . – La Cour de cassation a rappelé récemment qu’un apport à la communauté stipulé au moment du contrat de mariage initial, faute de mouvement de valeur, ne génère pas de droit à récompense Note 69 . La solution serait identique en cas d’époux séparés de biens passant à un régime communautaire, faute d’existence préalable des masses propres et communes. La possibilité d’assortir d’une récompense l’ap- port d’un bien propre à une communauté préexistante est discutée Note 70 . Selon un auteur, son existence résulterait de facto de la mise en communauté de biens propres Note 71 . En tout état de cause, une telle récompense n’est pas sou- haitée par des époux soucieux de mettre en commun leurs biens pour mieux se protéger. La préexistence d’une récompense liée à l’entreprise, ou celle pou- vant naître du fait de son ameublissement, doit être gérée à l’occasion de la convention modificative Note 72 . Une récompense peut être due à la communauté qui a financé la reprise de l’entreprise propre. Inversement une récompense peut être due par la communauté lorsque l’entreprise acquise pendant le ma- riage a été financée au moyen de deniers propres. La convention matrimoniale modificative doit préciser le sort des récompenses afin d’éviter à l’avenir toute question sur ce point relativement à l’entreprise qui sera donnée, seul(e) ou à deux, qu’elle ait été ameublie ou pas, ou qu’elle dépende déjà de la communau- té. En effet, les règles relatives aux récompenses étant supplétives de volonté, les époux peuvent valablement les écarter Note 73 . ATTENTION L’adoption d’une communauté universelle, sans autre précision, ne fera pas disparaître les récompenses. Il y a lieu de ne pas omettre dans la convention modificative, outre la clause de renonciation à la reprise des apports relative à la composition de la communauté (C. civ., art. 1525, al. 2) , une clause de renonciation au calcul des récompenses relative, quant à elle, à la liquidation de la communauté. « C’est à cette condition que la communauté devient vraiment universelle » Note 74 . Des difficultés peuvent survenir en cas de dissolution du mariage pour une autre cause que le décès. Les stipulations du contrat de mariage n’étant pas librement révocables, une éventuelle crise du couple doit être envisagée dans la convention modificative. 2° N’avantager que le conjoint. . . survivant 32. - La clause de non-divorce, consistant en une clause résolutoire de l’ameublissement liée au divorce des époux étant inefficace (a), d’autres solu- tions doivent Note 75 être proposées aux époux (b). a) L’inefficacité de la clause de non-divorce 33. - L’ameublissement étant un avantage matrimonial prenant effet pendant le mariage, les dispositions d’ordre public Note 76 du premier alinéa de l’article 265 du Code civil rendent inefficaces la stipulation prévoyant la résolution de plein droit de l’apport en cas de divorce. Des palliatifs doivent être envisagés. b) Les palliatifs 34. - La clause d’exclusion de communauté . – L’époux propriétaire peut, même si la base choisie est une communauté universelle, exclure certains biens de la masse commune. Les raisons peuvent être diverses : origine fami- liale, bien auquel est attaché un époux et sur lequel il veut conserver l’exclusi- vité, coût fiscal de l’apport immobilier. . . Note 69 Cass. 1re civ., 3 oct. 2019, n° 18-20.430 : JurisData n° 2019-016955 ; JCP N 2020, n° 6, 1049, note N. Randoux. Note 70 V. N. Randoux, préc. note 69. Note 71 En ce sens et sur les dangers de ne pas gérer les récompenses au moment du changement de régime matrimonial, V. B. Beigner, Récompenses et communauté universelle : JCP N 2010, n° 47, 1358, spéc. n° 7. Note 72 On évitera ainsi de devoir gérer la récompense au moment de la donation : si la donation de récompense a été validée en jurisprudence, elle présente des inconvénients relevés par la doctrine puisqu’un débat existe toujours sur les modalités de son évaluation le moment venu : RTD civ. 2007, p. 608, M. Grimaldi, obs. ss Cass. 1re civ., 6 févr. 2007, n° 04-13.282 : JurisData n° 2007-037228. – J. Lioussou et M. Jussaume, Aménagements volontaires des régimes matrimoniaux (ou adapter son régime) : les aménagements indirects : Actes prat. strat. patrimoniale 2008, n° 2, dossier 10, spéc. n° 78. Note 73 Fr. Terré et Ph. Simler, préc. note 5, n° 722. Note 74 B. Beigner, Récompenses et communauté universelle : JCP N 2010, n° 47, 1358, spéc. n° 7, in fine. Note 75 Le devoir de conseil impose au notaire d’informer les époux de l’existence de ces palliatifs, V. Cass. 1re civ., 30 avr. 2014, n° 13-16.380 : JurisData n° 2014-008545 ; JCP N 2014, n° 27, 1238. Note 76 Cass. 1re civ., 14 mars 2012, n° 11-13.791 : JurisData n° 2012-004171 ; JCP N 2012, n° 15, 1182 ; RTD civ. 2012, p. 300, obs. J. Hauser.

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