la revue fiscale du patrimoine

ENTREPRISE FAMILIALE 58 26. - La dissolution de la communauté universelle et l’existence de ré- compenses . – Il ressort notamment de l’article L. 132-16 du Code des assu- rances que la succession d’un époux, ayant souscrit un contrat d’assurance-vie au moyen de deniers communs, est redevable d’une récompense à l’égard de la communauté Note 58 . Contrairement à une autre idée reçue, la récompense est due même en cas d’attribution intégrale de la communauté universelle au survivant Note 59 . Tous les biens existants revenant au survivant, la succession du prémourant assuré ne comprend aucun actif, mais est grevée d’un passif constitué par la récompense. Les enfants sont débiteurs de cette dette à hau- teur de leurs droits dans la succession de leur auteur, sauf à y renoncer. Le remède peut être contenu dans la convention matrimoniale modificative : une dispense de calcul des récompenses dues au titre des contrats d’assurance-vie souscrits par les époux ou, plus généralement, une renonciation à l’établisse- ment des comptes de récompenses, quel que soit leur fondement. ATTENTION La clause d’attribution intégrale peut être le lit de difficultés au premier décès. Le notaire doit en avertir les époux qui souhaitent l’adopter et doit analyser les libéralités réalisées antérieurement, celles à venir et leurs conséquences au moment de la liquidation de la succession. C. - Rédaction et points de vigilance 27. - Observation liminaire : avantages matrimoniaux et famille recompo- sée . – En présence d’enfants non communs, il peut être proposé, si la situation s’y prête et afin d’éviter tout désagrément futur entre le survivant et les enfants du défunt, de limiter les avantages matrimoniaux à des droits non « retran- chables ». Ainsi, en est-il d’une clause de préciput ne portant que sur l’usufruit de biens communs ou, lorsque la communauté est réduite aux acquêts, d’une clause de partage inégale telle que préconisée par le deuxième alinéa de l’ar- ticle 1524 du Code civil : attribuer au survivant l’usufruit de la part de commu- nauté du défunt. Ces avantages, n’excédant pas les quotités disponibles spé- ciales entre époux, seront efficaces et ne sauraient être source de contentieux. 28. - La vigilance du conseil porte essentiellement sur l’ameublissement de l’entreprise (1°) et sur le sort des aménagements d’ordre liquidatif prévus par la convention matrimoniale modificative en cas de crise du couple (2°) . 1° L’ameublissement de l’entreprise a) En l’absence de descendant 29. - Ameublissement, entreprise familiale et absence de descendant . – Une attention particulière doit être apportée aux clauses du titre de celui qui a reçu l’entreprise à titre gratuit. La donation ou le legs peut contenir une clause d’exclusion de communauté. Cette charge, si elle est encore effective Note 60 , in- terdira l’apport à la communauté, sous peine de révocation pour inexécution (C. civ. , art. 954 et 1046) . En revanche, l’interdiction d’aliéner contenue dans la libéralité ne s’oppose pas à un ameublissement. En effet, l’apport à la commu- nauté, dépourvue de personnalité morale, ne constitue pas une aliénation Note 61 . Au décès du donateur précédemment gratifié par ses père et mère, le droit de retour de l’article 738-2 du Code civil, s’appliquant par défaut en valeur Note 62 , survit à la nouvelle aliénation de l’entreprise sans possibilité pour les parents de renoncer de façon anticipée à leur droit Note 63 . L’information doit être donnée aux époux dans l’attente de l’éventuelle suppression de ce droit ab intestat Note 64 : malgré la donation de l’entreprise, le retour des père et mère jouera en valeur, sauf à ce que la succession soit dépourvue de biens (communauté universelle avec attribution intégrale survivant), le retour en valeur des père et mère n’étant servi que « dans la limite de l’actif successoral » (C. civ. , art. 738-2, in fine) . En revanche, si, à défaut d’ascendant, l’entrepreneur laisse des collatéraux pri- vilégiés, leur droit de retour ne s’appliquant qu’aux biens existant toujours en nature, la donation prive d’effet le droit prévu à l’article 757-3 du Code civil. En cas de décès prématuré avant la donation envisagée, seule l’attribution par contrat de mariage de l’entreprise ameublie (préciput ou attribution intégrale) permet d’échapper au droit de retour des frères et sœurs, le bien ne se retrou- vant pas dans la succession Note 65 . b) Le motif principal 30. - Le motif principalement fiscal ?. - S’il est un sujet sur lequel le conseil était serein avant 2020 quant au risque d’abus de droit, c’était le changement de régime matrimonial avec apport à la communauté de biens dont la donation est envisagée. En effet, dès lors que des avantages matrimoniaux sont prévus afin d’assurer la protection du conjoint survivant, le but exclusivement fiscal est écarté. L’entrée en vigueur de la procédure prévue à l’article L. 64 A du LPF, pour les actes signés à compter du 1er janvier de cette année, invite à la pru- dence que les récents commentaires « mesurés » Note 66 de l’Administration n’ont pas ployée. Était et reste proscrite la modification du régime matrimonial ne contenant que l’ameublissement de l’entreprise pour ensuite être donnée par les deux époux Note 67 . En cas d’apports à communauté suffisamment larges per- mettant d’attacher aux biens ameublis des avantages matrimoniaux, le risque Note 58 Cass. 1re civ., 10 juill. 1996, n° 94-18.733 : JurisData n° 1996-003059. Note 59 Cass. 1re civ., 19 déc. 2012, n° 11-21.703 : JurisData n° 2012-030413. Note 60 Elle est souvent assortie d’un terme certain ou incertain (la durée de vie du disposant). Note 61 Cass. 1re civ., 18 mars 2015, n° 13-16.567 : JurisData n° 2015-005743 ; JCP N 2015, n° 23, 1182, obs. R. Le Guidec. Note 62 V. Fr. B. Godin, L’audit de la situation de l’entrepreneur en vue d’une transmission de l’entreprise à titre gratuit : Actes prat. strat. patrimoniale 2020, n° 3, dossier 19, n° 18. Note 63 Cass. 1re civ., 21 oct. 2015, n° 14-21.337 : JurisData n° 2015-023340 ; JCP N 2015, n° 51-52, 1249, note Ch. Goldie-Genicon. Note 64 La suppression de ce droit de retour mal conçu, sans doute parce que mal né, est envisagée par le rapport sur la réserve héréditaire dirigée par C. Pérès et Ph. Potentier (Proposition n° 14. – V. JCP N 2020, n° 4, act. 168 ; JCP N 2020, n° 7-8, act. 212). Note 65 F.-B. Godin, Droit de retour des collatéraux privilégiés : réponses à quelques incertitudes : Defrénois 2018, n° 138r1, spéc. p. 18. Note 66 Fr. Fruleux, Réforme de l’abus de fiscal : des commentaires administratifs « mesurés » : JCP N 2020, n° 10, 1063. Note 67 Cette opération relève, selon nous, de l’abus de droit classique de l’article L. 64 du LPF, comp. donation à son conjoint pour qu’il donne à son enfant : J.-J. Lubin, Donations en cascade : toujours sous la menace de l’abus de droit : JCP N 2018, n° 16, act. 395. – CADF/AC n° 1/2018. – Adde Rapp. du Comité de l’abus de droit fiscal année 2011, aff. n° 2010-18 : JCP N 2012, n° 21, 1238, spéc. n° 1. Note 68 BOI-CF-IOR-30-20, § 10.

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