la revue fiscale du patrimoine
57 une somme d’argent ; conserver l’entreprise sans bourse délier ; ou encore n’exercer aucune de ces facultés et laisser en indivision l’entreprise pour en faciliter la transmission à un enfant repreneur via un partage successoral ou une donation-partage cumulative. b) L’exigibilité du droit de partage 22. - Exigibilité du droit de partage : deux certitudes . – La clause de prélè- vement moyennant indemnité est une opération de partage (C. civ. , art. 1511) donnant lieu au paiement du droit de partage, toutes les conditions étant par ailleurs réunies, notamment l’existence d’un écrit (CGI, art. 635, 1, 7° ) . L’attri- bution intégrale de la communauté au survivant ne donne pas lieu à un partage, faute d’indivision Note 49 , le survivant devenant en effet propriétaire de la totalité des biens communs. 23. - Exigibilité du droit de partage : une incertitude . – La solution est incertaine quant au préciput. La question n’est pas tranchée en jurisprudence et l’Administration n’en pipe mot dans sa documentation. En doctrine, les avis divergent Note 50 . La liste des biens pouvant être prélevés à titre gratuit contient généralement des biens permettant au survivant de maintenir son cadre de vie (résidences) et ses moyens d’existence. S’agissant de l’entreprise, son prélèvement permettra de la gérer librement et de poursuivre le processus de transmission au moment opportun, le tout en s’affranchissant de l’ordre public réservataire en présence d’enfants tous communs. Si le droit de partage était dû sur le prélèvement, le coût de cette liberté pourrait être dissuasif. Plusieurs arguments s’opposent, selon nous, à l’exigibilité du droit de partage : - l’article 1515 du Code civil prévoit clairement que le prélèvement peut s’ef- fectuer avant le partage donc en dehors de tout partage. Cette rédaction tranche avec celle de l’article 1511 du même code plaçant le prélèvement à titre onéreux clairement dans le cadre du partage ; il s’agit de l’exercice d’une sorte d’attribution préférentielle conventionnelle Note 51 . On peut légitimement douter que l’acte constatant le prélèvement anticipé, laissant intact les droits de son bénéficiaire sur les autres biens communs et qui n’aggrave pas sa contribution du passif Note 52 , constitue une « véritable opération de partage » que l’Administration pose en condition d’exigibilité du droit éponyme. Elle la définit en effet de la façon suivante : « l’acte présenté à la formalité constitue un véritable partage, c’est-à-dire, transforme le droit abstrait et général de chaque copartageant sur la masse commune en un droit de propriété exclusif sur les biens mis dans son lot » Note 53 ; - s’agissant d’une stipulation à titre particulier, nous percevons difficilement l’existence d’une indivision sur le bien, autre condition de l’exigibilité Note 54 . Le prélèvement ne s’effectue pas en moins prenant sur les autres biens com- muns. Le bien prélevé est dès l’origine réputé la propriété du seul conjoint survivant ; - enfin, l’attestation de propriété (immobilière, le cas échéant) constatant l’exer- cice par son bénéficiaire de sa faculté peut-elle être assimilée à un acte de partage ? On peine à y voir « un véritable partage » tel que défini ci-dessus- Note 55 . CONSEIL PRATIQUE Le doute subsistant sur cette question, on invitera les époux à doubler le préciput d’un testament au profit du conjoint par lequel sont légués les biens soumis au préciput. Le moment venu, le survivant pourra renoncer à exercer la faculté offerte par la convention de mariage si la question est toujours en suspens ou si elle devait être tranchée dans un sens défavorable au contribuable. Il pourrait accepter alors le legs qui, avec certitude, ne sera pas soumis au droit de partage, mais pourrait être réductible. c) L’exclusion de la reprise des apports 24. - La question de la reprise des apports . – L’article 1525, alinéa 2, du Code civil autorise les héritiers de l’époux prédécédé à reprendre les biens apportés à la communauté par leur auteur qui auraient constitué des propres sous le régime légal. La communauté élargie étant destinée notamment à or- ganiser la protection du conjoint survivant, la privation de ce droit est devenue une clause de style. d) Les effets inattendus de l’attribution intégrale de la communauté uni- verselle 25. - L’ouverture de la succession du prémourant et la réduction des libéralités consenties par celui-ci . – Contrairement à une idée reçue, la succession d’un époux, laissant un conjoint survivant attributaire de la totalité de la communauté universelle, s’ouvre Note 56 . Si, avant l’adoption du nouveau régime, le de cujus avait consenti des libéralités non rapportables souhaitant ainsi avantager un héritier ou un tiers, elles seront nécessairement réduites si la demande en est faite. En effet, la masse de l’article 922 du Code civil ne comprend, dans ce cas, aucuns biens existants, mais uniquement les biens donnés. Pour les libéralités réalisées après l’adoption de la communauté uni- verselle avec clause d’attribution intégrale, il faut veiller à prévoir une clause d’imputation sur la succession du survivant des donateurs. Mais si cela évite le risque civil de réduction, on crée ainsi un écueil fiscal Note 57 . Bref, la stipulation d’une clause d’attribution intégrale sera source de difficultés. L’efficacité civile et fiscale des donations ne pourra être assurée qu’au moyen d’un acte lourd de renonciation anticipée à l’action en réduction, pour autant que tous les héritiers réservataires y consentent. Note 49 Cass. 1re civ., 7 déc. 2016, n° 16-12.216 : JurisData n° 2016-026092. Note 50 Pour l’exigibilité du droit de partage, V. not. A. Grevet, M. Clermont, Y. Malard, S. Fayat, préc., spéc. n° 29 ; Dict. enr. n° 2828 ; JCl. Notarial Formulaire, V° Donation-partage, fasc. 22, par M. Mathieu. – Contra, not. Ch. Delory, Exercice d’une faculté de prélèvement par le conjoint survivant en exécution d’une convention de mariage sous un régime communautaire, exigibilité du droit de partage ? : Cridon Nord-Est, févr. 2015. – Cl. Brenner, S. Gonsard et A. Bouquemont, Non, le préciput n’est pas soumis aux droits de partage : JCP N 2020, n° 29, 1161 Note 51 Fr. Terré et Ph. Simler, préc. note 5, spéc. n°736. Note 52 A. Bouquemont, Les clauses du contrat de mariage relatives au partage de communauté : Defrénois 2019, n° 149g7, spéc. p. 70. Note 53 BOI-ENR-PTG-10-10, n° 150. Note 54 BOI-ENR-PTG-10-10, n° 100. Note 55 En ce sens, Ch. Delory, préc. note 49. Note 56 Pour un rappel récent en jurisprudence, V. Cass. 1re civ., 3 avr. 2019, n° 18-13.890 : JurisData n° 2019-004962 ; Dr. famille 2019, comm. 130, note M. Nicod ; RTD civ. 2019, p. 646, obs. B. Vareille ; RTD civ. 2020, p. 169, obs. M. Grimaldi. Note 57 V. Fr.-B. Godin, La transmission de l’entreprise à titre gratuit et entre vifs dans le cercle familial : aspects civils : Actes prat. strat. patrimoniale 2020, n° 3, dossier 21, spéc. n° 69.
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