la revue fiscale du patrimoine

55 ci-dessus, si le chef d’entreprise donateur conserve une partie des titres de la société exploitante qu’il ne souhaite pas ameublir, une mise en communauté des biens des époux avec exclusion des titres conservés sera efficace en cas de divorce Note 31 . b) Les époux séparés de biens 13. - Communauté ou société d’acquêts . – À l'heure où il est envisagé de se séparer de l'entreprise, les époux donateurs s'orientent vers un régime davantage communautaire. Si le couple est mûr pour un changement de ré- gime, une communauté avec ameublissements est proposée. L’étendue des apports est déterminée en fonction de l’état d’esprit de chacun et – disons-le – en fonction du coût fiscal Note 32 . Si le couple n’est pas encore prêt pour le grand saut communautaire, il est proposé de tempérer la séparation de biens par une touche de communauté : l’insertion d’une société d’acquêts Note 33 . Toutefois, de nos jours, on évitera un apport de titres de la société exploitante notamment si la donation de ceux-ci a lieu à brève échéance de crainte que l’Administration y voie un but principalement fiscal Note 34 . Dans l’un et l’autre cas, communauté ou société d’acquêts, il sera procédé à des ameublissements. 14. - Intérêt de l’ameublissement . – L’opportunité d’ameublir l’entreprise, quelle que soit la forme d’exploitation, pour pouvoir donner ensemble est évidente. Un simple exemple chiffré présenté à l’entrepreneur emportera sa conviction : sous le régime de l’article 787 B du CGI, chaque enfant peut rece- voir de chaque parent sans imposition 400 000 €, soit une économie d’impôt par enfant, pour une donation de 800 000 €, de l’ordre de 20 000 € (ou 10 000 € si la donation est consentie en propriété par des donateurs âgés de moins de 70 ans). S’il y a réserve d’usufruit des donateurs, la part non imposable donnée augmente sensiblement en fonction de l’âge des donateurs. Deux points seront toutefois vérifiés avant le passage à davantage de « communauté » : - l’existence de libéralités antérieures ayant épuisé les abattements pater- nel et maternel, appréciée au regard de l’importance de celle à venir, peut avoir une incidence sur l’intérêt fiscal de l’ameublissement ; - le risque que l’administration fiscale y voie une opération réalisée dans un but principalement fiscal incite à un examen des autres motivations de la modification qui doivent relayer l’apport à communauté au second plan Note 35 . c) Les époux communs en biens 15. - De deux choses l’une : les titres transmis dépendent de la communauté (1) ou sont propres à l’un des époux (2) . 1 Les titres transmis sont communs 16. - Donner seul ou ensemble . – S’agissant d’un acte de disposition entre vifs à titre gratuit, droits sociaux négociables ou non négociables, les époux doivent consentir à la donation (C. civ. , art. 1422) . Cela étant, le texte n’exige pas que les deux époux se portent codonateurs. De prime abord, la fiscalité applicable à la donation incite à donner à deux, de manière à doubler les abat- tements applicables et la progressivité de l’impôt. Pourtant, dans certains cas, un seul époux se portera donateur, le coût fiscal étant moindre : par exemple, lorsque la donation est consentie à un enfant non commun Note 36 ; ou, en cas de donation en nue-propriété, lorsqu'il existera une différence d’âge entre les époux et que les abattements auront été épuisés par des libéralités antérieures. . . Dans ces derniers cas, si le plus jeune se porte seul donateur, la valeur taxable donnée est moins importante sans que cela ne soit préjudiciable aux époux d’un point de vue civil, l’usufruit réservé constituant un bien commun Note 37 . D’un point de vue fiscal, l’ouverture d’un usufruit successif, n’est préjudi- ciable ni au conjoint survivant exonéré de droit de succession (CGI, art. 796- 0 quater et 796-0 bis) , ni aux enfants gratifiés puisque, en cas de réserve d’usufruit et de constitution d’un usufruit successif au profit du conjoint plus âgé, l’ouverture de ce deuxième usufruit, le cas échéant, ne donne pas lieu à un supplément de droits de mutation à titre gratuit Note 38 . CONSEIL PRATIQUE En cas de donation par un seul époux, le consentement du conjoint n’est logiquement soumis à aucune forme particulière, puisqu’il ne se porte pas codonateur. Ce consentement peut résulter d’un comportement constituant un accord tacite Note 39 . On conseillera toutefois, pour éviter toute difficulté d’interprétation, et ainsi consolider l’acte, soit une in- tervention du conjoint, soit qu’y soit annexé un écrit (même sous seing privé) contenant son consentement. 2 Les titres transmis sont propres 17. - Un seul donateur, sauf ameublissement . – Les mêmes remarques faites ci-dessus quant à l’entreprise ou les titres sociaux détenus par l’époux Note 31 On préférera une mise en communauté de la totalité avec clause alsacienne... si seuls les titres donnés sont mis en communauté, l’absence de but principalement fiscal sera difficilement défendable. Note 32 La loi de finances pour 2019 a supprimé, à compter du 1er janvier 2020, l’article 1133 bis du CGI qui exonérait de droits d’enregistrement et de taxe de publicité foncière les modifications de régimes matrimoniaux tendant vers plus de communauté. Note 33 Pour une analyse détaillée, V. M. Clermon et P. Cénac, préc. note 7, spéc. n° 31 s. Sur les incertitudes quant à la composition de celle-ci, V. n° 47 et s., notamment sur la société d’acquêts à contenu variable c’est-à-dire laissant aux époux la possibilité de choisir au moment de l’acquisition d’intégrer le bien dans la société d’acquêts. Les auteurs prennent clairement position contre cette faculté discutée en doctrine. Nous ne sommes pas convaincus de cette impossibilité qui serait fondée notamment sur l’immutabilité du régime matrimonial : les époux ne pourraient pas choisir la qualification d’un bien pendant le mariage. Nous percevons mal la contrariété au principe puisque, sous le régime de la communauté, cette possibilité existe et n’émeut quiconque : un époux acquéreur, utilisant des deniers propres, peut décider de faire dépendre de la communauté les biens acquis en omettant à dessein les déclarations exigées par l’article 1434 du Code civil ? De plus, la communauté conventionnelle peut prévoir une dispense de récompense. Dès lors, l’époux n’aura-t-il pas décidé seul pendant le mariage de la qualification du bien ? Selon nous, ce qui importe c’est qu’il ne puisse modifier cette qualification à l’avenir, sauf nouvelle convention matrimoniale. Note 34 V. n° 30. Note 35 V. n° 30. Note 36 S’il est repreneur, il y aura lieu alors de jauger les avantages fiscaux (CGI, art. 790 A). Note 37 Cass. 1re civ., 11 mai 2016, n° 14-28.321 : JurisData n° 2016-008863. – C. Orlhac et F. Fruleux, Réserve d’usufruit sur biens communs : problématiques civiles, fiscales et solutions : JCP N 2017, n° 8, 1116, spéc. n° 6. Note 38 BOI-ENR-DG-70-40, n° 1. Note 39 Cass. 1re civ., 1er févr. 2017, n° 16-11.599 : JurisData n° 2017-001393 ; JCP N 2017, n° 20, 1181, note V. Godron et N. Randoux. En l’espèce, l’épouse était présente lors de la signature de l’acte notarié et n’a dit mot ; elle ne s’est pas opposée à la donation de son époux.

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