la revue fiscale du patrimoine

SCI/PATRIMOINE IMMOBILIER 50 La méthode suivie semble en contradiction avec le Guide de l’Administration qui prévoit que la méthode d’actualisation des flux futurs « [. . . ] ne présente pas d’intérêt pour les petites sociétés comme celles qui exploitent un fonds de commerce ou pour les sociétés dont la seule activité est la détention du patrimoine » Note 18 et que « [. . . ] parmi les méthodes couramment utilisées, l’ad- ministration privilégie celles qu’elle peut directement appliquer. [. . . ] En effet, l’Administration ne peut mettre en œuvre directement une méthode fondée sur l’actualisation à partir de flux futurs dès lors qu’elle ne peut elle-même établir des prévisions de croissance » Note 19 . 11. - Le Conseil d’État livre des précisions importantes sur les modalités d’ap- plication de cette méthode au cas particulier de la valorisation de l’usufruit de titres d’une SCI. 2. L’adaptation de la méthode DCF à la valorisation de l’usufruit de titres de SCI A. - La délimitation des flux à actualiser 1° Présentation de la méthode utilisée par l’Administration, assise sur des résultats prévisionnels 12. - C’est à nouveau la lecture de la décision d’appel qui nous permet d’appré- hender les calculs réalisés par l’administration fiscale dans la mise en œuvre de la méthode DCF. 13. - Les revenus et charges retenus par l’administration fiscale. – L’Admi- nistration avait choisi de prendre en compte, comme revenu, le loyer annuel fixé d’après le bail conclu par la SARL et donc doté d’après elle d’une « forte prévi- sibilité ». La cour administrative d’appel a validé les revenus retenus au motif qu’il s’agissait « d’une SCI relevant du régime d’imposition prévu par l’article 8 du CGI et dont le résultat était, avant cession de l’usufruit de ses parts, soumis à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus fonciers entre les mains des personnes physiques détentrices de ses parts ». Les loyers issus de la location de l’immeuble constituaient un « revenu brut pertinent pour apprécier la valeur de cet usufruit, lors du démembrement de ces parts, en vue de sa cession ». De ce revenu, l’administration fiscale a alors déduit un certain nombre de charges (intérêts d’emprunt à l’exclusion du remboursement du capital, honoraires d’expertise comptable, frais d’assurance liés à l’emprunt et taxe foncière). Du revenu net ainsi obtenu et correspondant aux résultats prévisionnels de la SCI, l’administration fiscale avait déduit un abattement de 33,33 % correspondant à une imposition théorique à l’impôt sur les sociétés, dès lors que la société cessionnaire y était soumise. La cour administrative d’appel a également validé ce raisonnement en considérant que la détermination du revenu net attendu devait « se faire par application des règles applicables aux bénéfices industriels et commerciaux en application de l’article 238 bis K du CGI dès lors que la SARL était passible de l’impôt sur les sociétés, et, en conséquence, en pratiquant un abattement représentant un impôt sur les sociétés théorique [. . . ] ». Cette position consistant à actualiser les résultats prévisionnels n’a pas été suivie par le Conseil d’État. 2° Prise en compte d’après le Conseil d’État des dividendes distribuables 14. - Les droits aux résultats des associés de sociétés de personnes. – Les associés de sociétés de personnes sont « personnellement soumis à l’impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société. En cas de démembrement de la propriété de tout ou partie des parts sociales, l'usufruitier est soumis à l'impôt sur le revenu pour la quote- part correspondant aux droits dans les bénéfices que lui confère sa qualité d'usufruitier » (CGI, art. 8). 15. - Les droits à dividendes de l’usufruitier. – La Cour de cassation a jugé que « les dividendes n’ont pas d’existence juridique avant la constatation de sommes distribuables par l’organe social compétent et la détermination de la part attribuée à chaque associé », y compris en présence d’une SCI Note 20 . Il résulte donc d’une jurisprudence constante de la Cour de cassation que la créance de l’usufruitier sur la société ne naît qu’à partir de la décision de dis- tribution prise par les associés. Ainsi, et comme l’a rappelé le rapporteur public Mme Émilie Bokdam dans ses conclusions Note 21 , il convient donc d’apprécier la « faculté d’appréhension effective des bénéfices par l’usufruitier ». 16. - Droits de l’usufruitier et distributions prévisionnelles. – Au visa de l’article 582 du Code civil Note 22 , le Conseil d’État rappelle en premier lieu qu’en cas de démembrement de propriété portant sur des droits sociaux, l’usufrui- tier n’a droit qu’aux dividendes distribués. Dans ce contexte, les fruits cor- respondent aux revenus issus du bien démembré (en l’espèce des titres de société). Le Conseil d’État précise, en effet, que « l’évaluation du revenu futur attendu par un usufruitier de parts sociales ne peut avoir pour objet que de déterminer le montant des distributions prévisionnelles [. . . ] » Ce faisant, le Conseil d’État invite donc à ne pas faire de confusion entre le résultat d’une SCI et ses éventuelles distributions prévisionnelles. Le montant de ces distributions prévisionnelles dépend par conséquent du montant du bénéfice distribuable (i) et de la décision des associés quant au montant des distributions effectives (ii). La jurisprudence est également claire sur l’origine des sommes distribuées revenant à l’usufruitier puisqu’il n’a droit qu’aux dividendes prélevés sur le bé- néfice de l’exercice, qu’il s’agisse du bénéfice d’exploitation ou du bénéfice résultant d’opérations financières ou exceptionnelles. Les dividendes prélevés sur les réserves reviennent in fine au nu-propriétaire, l’usufruitier ne détenant sur ceux-ci qu’un quasi-usufruit Note 23 . Les bénéfices distribuables dépendront des revenus de la SCI, eux-mêmes constitués principalement des loyers perçus au titre de la mise en location de l’immeuble qu’elle détient. Si, en l’espèce, ces loyers dépendent principalement de la santé financière de la société opéra- tionnelle, pourraient également jouer plus généralement la situation du bien et l’état du marché, la situation du locataire, l’évolution des contraintes réglemen- taires et des normes de sécurité pouvant nécessiter des investissements, etc. Note 18 Guide de l’administration fiscale, p. 57. Note 19 Guide de l’administration fiscale, p. 13. Note 20 Cass. com., 13 sept. 2017, n° 16-13.674 : JurisData n° 2017-017734 : RFP 2017, alerte 188 ; JCP N 2018, n° 10, 1119, note J.-P. Storck. Note 21 Concl. E. Bokdam ss CE, 9e et 10e ch., 30 sept. 2019, n° 419855, préc. note 1. Note 22 L’article 582 du Code civil dispose que « l'usufruitier a le droit de jouir de toute espèce de fruits, soit naturels, soit industriels, soit civils, que peut produire l'objet dont il a l'usufruit ». Note 23 Cass. com., 24 mai 2016, n° 15-17.788 : JurisData n° 2016-009988 ; RFP 2016, comm. 13, note J.-Fr. Desbuquois et R. Mortier.

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