la revue fiscale du patrimoine

SCI/PATRIMOINE IMMOBILIER 44 disposer librement du bien. Une technique civiliste ancienne leur permettra d’arriver à ce résultat, mais il conviendra alors de la prévoir dès l’acquisition en stipulant dans l’acte d’achat un pacte de tontine. « Le pacte de tontine est une clause aux termes de laquelle deux ou plusieurs individus achètent un immeuble ou tout autre bien, en stipulant que le survivant d’entre eux sera seul propriétaire de l’intégralité du bien acquis. » 28 Il a été découvert et mis au point par le notariat sans être régi, aujourd’hui encore, par aucun texte légal. Sa validité a cependant été reconnue par la jurisprudence, sous réserve de remplir certaines conditions et au prix de quelques précautions rédactionnelles 29 . Ainsi, la Cour de cassation a admis que loin de constituer une clause d’accroissement accordant au survivant un droit privatif sur une partie de la succession du prémourant, le contrat litigieux conférait au survi- vant la propriété de l’immeuble tout entier à partir du jour de son acquisition sous condition suspensive de survie et que, dès lors, une telle convention ne pouvait tomber sous la prohibition des pactes sur successions future 30 . Le pacte de tontine se distingue donc de la clause d’accroissement proprement dite qui, en prévoyant qu’au fur et à mesure des décès la quote-part du défunt accroîtra aux survivants, tombe sous le coup de la prohibition des pactes sur succession future 31 . En revanche, en cas de stipulation de la double condition de survie de l’acquéreur et de prédécès de l’autre, il n’y a pas de pacte sur succession future à cause de la rétroactivité de la condition à la date de l’acquisition conjointe, le survivant étant considéré comme propriétaire de la totalité du bien depuis l’origine, alors que le prédécédé ne l’a jamais été, pour une part quelconque 32 . Les conditions de validité du pacte de tontine sont ainsi bien établies, et la clause, si elle est correctement rédigée, c’est-à-dire « lorsqu’elle montre bien que les droits des coacquéreurs sont des droits conditionnels » 33 , ne pourra être contestée. 14. – Il en résulte que les acquéreurs, propriétaires de leurs parts sous condition résolutoire de leur décès, et de la totalité du bien acquis en com- mun, sous la condition suspensive de leur survie 34 , ne sont pas en situation d’indivision 35 . Une action en partage serait, dans ces conditions, vouée à l’échec, seule la commune intention des parties pouvant conduire soit à la vente du bien, soit à la vente, par l’un des acquéreurs, de ses droits condition- nels à l’autre. La vente des droits conditionnels de l’un des acquéreurs à une tierce personne serait également possible. Dans ce cas, l’autre ne bénéficie- rait d’aucun droit de préemption pour s’y opposer 36 . Toutefois, et pour éviter ce genre de désagrément que représente l’intrusion d’un tiers, il est d’usage d’insérer dans les clauses de tontine la condition suivant laquelle il ne pourra être disposé des droits conditionnels de chacun qu’avec l’accord du coac- quéreur. « Cette clause, considérée comme étant valable par la doctrine, puisqu’elle n’a pas un caractère perpétuel, frappe ainsi les droits des tonti- niers d’une inaliénabilité conventionnelle. » 37 La clause de tontine peut donc 28 91e Congrès des notaires de France, « Le droit et l’enfant », n° 208. 29 L. Villet, Les relations patrimoniales dans les familles recomposées, thèse, Nantes, 2001, p. 186. 30 Cass. 1 re civ. , 3 févr. 1959 : JCP G 1960, II, 11823, note P. Voirin ; D. 1960, 1, 592, note E. -S. de la Marnière. 31 Cass. civ. , 24 janv. 1928 : RTD civ. 1928, p. 458, note R. Savatier. 32 Cass. ch. mixte, 27 nov. 1970 : Defrénois 1971, art. 29786, note G. Morin ; JCP G 1971, II, 16826, note H. Blin. 33 G. Morin, note ss Cass. 1re civ. , 11 janv. 1983 : Defrénois 1983, art. 33114, p. 994. 34 Conformément à l’article 1304-6 du Code civil, qui a abandonné la rétroactivité de la condition suspensive accomplie, et donc pour les pactes tontiniers conclus depuis le 1er octobre 2016, les parties doivent prévoir que l’accomplissement de la condition rétroagira au jour du contrat (D. Montoux : JCl. Notarial Formulaire, Fasc. 260, Vente d’immeuble, n° 3987). 35 F. Terré (ss dir. ), Le couple et son patrimoine, JurisClasseur, coll. « Juris compact », 4e éd. , n° 065-10. 36 J. Hérail, 84e Congrès des notaires de France, « Couple et modernité, gestion et transmission du patrimoine », p. 404, n° 108. 37 D. Montoux : JCl. Notarial Formulaire, Fasc. 260, Vente d’immeuble, n° 59. 38 CGI, art. 683, I, al. 1. devenir un piège en cas de mésentente entre les acquéreurs, c’est pourquoi elle n’est pas toujours à conseiller. Cependant, et si les intéressés sont d’ac- cord, il pourrait y avoir renonciation commune à la clause. L’article 1193 du Code civil permet en effet aux parties, par consentement mutuel, de révoquer leurs conventions. Elles se retrouveront alors en situation d’indivision. En re- vanche, si à l’origine l’acquisition a été réalisée en indivision, il n’est pas pos- sible de conclure ultérieurement un pacte tontinier, la rétroactivité au moment de l’achat s’y opposant. Enfin, si les intéressés ne souhaitent pas recourir au pacte de tontine, il pourra leur être proposé d’insérer dans l’acte d’acquisition de l’immeuble une clause d’acquisition ou d’attribution des droits indivis du prémourant, qui leur assurera la priorité pour se rendre seul propriétaire de l’entier immeuble, moyennant paiement du prix ou d’une soulte. II. – L’imposition du patrimoine immobilier 15. – La propriété d’un bien immobilier va engendrer plusieurs sources d’imposition. Dès l’acquisition, la mutation à titre onéreux est assujettie à une taxe de publicité foncière 38 . Le propriétaire sera ensuite redevable d’une taxe d’habitation et d’une taxe foncière, sauf à entrer dans un cas d’exoné- ration. Mais ce n’est pas à ce stade que l’ingénierie patrimoniale trouvera à s’exercer. Ce n’est qu’ensuite, après l’acquisition, et en particulier lors de la détention de l’immeuble (A). Par la suite, la question de l’imposition se posera encore lors de la transmission de l’immeuble, qu’il s’agisse d’une mutation à titre onéreux ou à titre gratuit (B). A. – L’imposition lors de la détention de l’immeuble 16. – L’acquisition d’un immeuble peut répondre à différentes préoccupa- tions, besoin de se loger ou investissement locatif. Dans ce dernier cas, la question de l’imposition des revenus fonciers va se poser car ces revenus sont, aujourd’hui, les plus taxés (1°). Mais qu’il s’agisse d’investir dans de l’immobilier de rapport ou d’acheter un immeuble pour se loger, l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) est susceptible de s’appliquer également (2°). Dans les deux cas, l’ingénierie du patrimoine immobilier consistera à minimiser l’impôt dû. 1° La taxation des revenus fonciers 17. – L’investissement dans l’immobilier peut répondre à deux objectifs principaux. Il peut s’agir de se constituer un capital qui pourra ensuite être réinvesti, ou alors de se constituer des revenus complémentaires pour la re-

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