la revue fiscale du patrimoine
SCI/PATRIMOINE IMMOBILIER 42 1° L’acquisition en indivision et la détermination des quotités d’acqui- sition 6. – Il est un principe selon lequel le droit de propriété est indépendant du financement 3 . Il en va naturellement ainsi lorsque des époux séparés de biens ou des concubins se portent acquéreurs d’un bien immobilier 4 . Si aucune mention particulière ne figure dans l’acte d’acquisition, alors les acquéreurs seront propriétaires chacun pour moitié, peu importe que l’un d’entre eux ait davantage contribué au financement 5 . Il n’y aura pas trop de difficultés en cours d’union, mais en cas de séparation, les époux ou concubins feront les comptes. C’est alors que celui qui a financé plus que sa quote-part aura des revendications. Il convient donc de sensibiliser les acquéreurs sur ce point en leur expliquant l’importance de faire coïncider leurs apports financiers avec leurs droits de propriété. Ce n’est pas toujours simple, car la rigueur comp- table n’est pas la préoccupation première des acquéreurs vivant en couple, qui ont plutôt un esprit égalitaire. On peut le comprendre aisément car qui dit communauté de vie, dit communauté d’intérêts. C’est particulièrement vrai pour l’achat de la résidence principale du couple, le logement de la famille. Or le remboursement des échéances d’un emprunt contracté pour l’acquisition de ce type de logement constitue une dépense de la vie courante. Toutefois, les dépenses de la vie courante ne pourront faire l’objet d’un remboursement entre eux s’ils venaient à se séparer 6 . Les quotités d’acquisition devront donc être fixées en fonction du financement de chacun des acquéreurs, apports personnels et emprunts. Il faudra également tenir compte de l’éventuel finan- cement de travaux à réaliser rapidement 7 . Le détail du calcul de ces quotités sera utilement précisé dans l’acte d’acquisition. Les notaires sont particuliè- rement vigilants sur ce point 8 . 7. – Mais l’importance de bien fixer les proportions d’acquisition dans le titre de propriété se révélera également en cas de revente, ou de partage, de l’immeuble. Bien souvent l’acquisition aura été réalisée au moyen d’un prêt bancaire. Il convient alors de vérifier si ce prêt est entièrement remboursé ou non. Dans le premier cas, la répartition du prix sera très simple car elle se fera en proportion des quotités d’acquisition. Si monsieur et madame ont acquis l’immeuble à hauteur de 40 % pour l’un et de 60 % pour l’autre 9 , le prix de vente étant de 200 000 € reviendra à monsieur pour 80 000 € (200 000 € × 40 %) et à madame pour 120 000 € (200 000 € × 60 %). En revanche, si la revente intervient avant que le prêt soit soldé, il convient d’être attentif à la méthode de calcul qui sera appliquée pour la répartition du prix entre les indivisaires. La meilleure façon de procéder sera alors de répartir le prix comme précédemment, et de déduire de la part de chacun des vendeurs 3 Ce principe a été rappelé par le 112 e Congrès des notaires de France, 4 e commission, p. 1036, n° 4003. 4 Bien entendu la question se poserait dans les mêmes termes pour d’autres personnes, membres d’une fratrie, amis, ou tiers, mais nous limiterons notre propos aux types de conjugalités actuels. 5 À plusieurs reprises, la jurisprudence a affirmé ce principe de l’indépendance de la propriété et du financement : V. par ex. , Cass. 1re civ. , 19 nov. 2002 : RJPF févr. 2003, n° 2003-2/33, p. 17 et en matière d’accession, Cass. 3e civ. , 2 oct. 2002 : Defrénois 2003, p. 116, note J. Massip. 6 La première chambre civile de la Cour de cassation a ainsi énoncé au sujet d’époux séparés de biens, que « dès lors qu’elle avait constaté que l’immeuble indivis entre les époux constituait le domicile conjugal et retenu que les règlements relatifs à cette acquisition, opérés par le mari, participaient de l’exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage, la cour d’appel en a justement déduit que celui-ci ne pouvait bénéficier d’une créance au titre du financement de l’acquisition de ce bien. » (Cass. 1re civ. , 1er avr. 2015, n° 14-14. 349 : Bull. civ. 2015, I, n° 78). 7 Si ces travaux n’avaient pas été prévus, leur financement pourra faire l’objet d’une convention complémentaire entre les acquéreurs. 8 Pour un exemple de clause, V. 106 e Congrès des notaires de France, « Couples, patrimoine, les défis de la vie à deux », p. 374. 9 L’achat s’est fait au prix de 150 000 €, frais compris, moyennant un prêt de 120 000 € remboursé pour moitié par chacun des indivisaires et un apport personnel de 30 000 € pour madame, soit pour monsieur : 60 000 € / 150 000 = 40 % et pour madame : 60 000 + 30 000 = 90 000 / 150 000 = 60 %. 10 En ce sens, V. 112 e Congrès des notaires de France, op. cit. , p. 1040, n° 4009. 11 La solution serait la même en cas de partage. 12 V. en ce sens Créer et gérer une société civile de famille, Francis Lefebvre, 2006, nos 100 et s. 13 L’apport de l’immeuble doit être publié au service de la publicité foncière du lieu de situation de cet immeuble. 14 S. Porcheron et C. Frances-Dehors, Société civile immobilière, Mode d’emploi, Delmas, coll. « Delmas Express », 2017, n° 103. 15 L. n° 2009-596, 12 mai 2009, art. 6. 16 C. civ. , art. 815-5-1. 17 V. 112 e Congrès des notaires de France, 4 e commission, p. 1036, n° 4108. sa contribution au remboursement du prêt, sachant que le prêt est générale- ment remboursé pour moitié par les emprunteurs solidaires 10 . Dans l’exemple évoqué, si le solde du prêt est de 60 000 €, incombant aux indivisaires pour 30 000 € chacun, monsieur recevra sur le prix 80 000 € – 30 000 €, soit 50 000 €, et madame 120 000 € – 30 000 €, soit 90 000 € 11 . Chacun pro- fite ainsi de la plus-value en proportion de son financement initial. La mau- vaise méthode de calcul consisterait à déduire du prix de vente, le solde du prêt, soit ici 200 000 € – 60 000 € = 140 000 €, et à appliquer ensuite les proportions d’acquisition à ce solde. Monsieur recevrait alors 56 000 € (140 000 € × 40 %) et madame 84 000 € (140 000 € × 60 %). La meilleure solution, afin d’éviter toute difficulté dans l’application de la méthode de calcul, sera d’insérer une clause adaptée dans l’acte d’acquisition. 2° L’acquisition par l’intermédiaire d’une société civile immobilière 8. – La société civile immobilière (SCI) est un outil privilégié en gestion de patrimoine. Elle peut répondre à différents objectifs, susceptibles d’évoluer dans le temps 12 . Elle est instituée par deux ou plusieurs personnes et a pour objet d’acquérir un bien immobilier qui pourra être loué ou laissé à la dispo- sition des associés. Lorsqu’un associé apporte un immeuble, la SCI devra être constituée par acte notarié 13 . C’est une structure juridique qui présente l’avantage de la stabilité et de l’adaptabilité. Par ailleurs, la souplesse de ges- tion et le formalisme réduit de cette forme de société laissent aux associés une grande liberté statutaire et de fonctionnement 14 . Elle sera donc souvent préférée à l’achat en indivision afin d’éviter les blocages, car la gestion de la SCI est dissociée de la propriété de l’immeuble. Comme nous l’avons vu précédemment, l’acquisition en direct par le couple va donner naissance à une indivision, situation juridique qui implique que les décisions les plus importantes, notamment la vente de l’immeuble, soient prises à l’unanimi- té. L’opposition d’un indivisaire va donc bloquer la situation. Il est vrai que depuis la loi du 12 mai 2009 15 , à la demande de l’un ou des indivisaires titulaires d’au moins deux tiers des droits indivis, qui en manifesteront la volonté devant un notaire, la vente de l’immeuble pourra être autorisée par le tribunal judiciaire 16 . Dans ce cas, la vente ne pourra toutefois intervenir que par licitation, c’est-à-dire dans la forme des ventes publiques. Il y a donc là une incertitude préjudiciable et « la société civile va permettre de substituer à la règle de l’unanimité une règle de majorité pour les actes de disposition qui sera fixée conventionnellement dans les statuts constitutifs de la société » 17 . 9. – Mais attention, la SCI ne doit pas être parée de toutes les vertus. Si elle présente incontestablement de gros avantages, elle peut parfois être source
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