la revue fiscale du patrimoine
39 acquisition . Pour ceux qui conservent un financement par compte courant ou auprès d’une société liée, les arguments qui sont évoqués sont la nécessité de conserver au sein de leur patrimoine personnel des fonds propres afin de réali- ser des investissements d’une autre nature (notamment le rachat d’entreprises) ou de maintenir un train de vie historiquement dispendieux. Dans un tel cas, l’objectif principal de la dette souscrite par la SCI serait le besoin de tré- sorerie, l’objectif fiscal étant secondaire. Et force est de constater qu’il est plus simple, en cas de difficultés de trésorerie, de rembourser un compte courant en refinançant ce dernier auprès d’une banque, que de procéder à une réduction de capital alors que la SCI ne possède aucune liquidité . Il est toutefois préférable d’anticiper le risque de discussions animées avec l’administration fiscale sur l’appréciation de cette preuve. b) Démonstration du caractère normal des conditions du prêt 20. - Les interrogations se dirigent principalement vers la situation des comptes courants d’associé dans le cadre de SCI familiales. L’administration fiscale fait référence dans la doctrine précitée aux « pratiques bancaires usuelles ». Or, il est difficile de transposer ces règles à la situation d’un compte courant qui est une opération que la jurisprudence de la Cour de cassation ana- lyse comme un prêt ne relevant pas d’une opération de banque au sens du Code monétaire financier Note 12 . Il est intéressant également de rappeler que l’article 1905 du Code civil n’envisage la stipulation d’intérêts que comme une simple possibilité et que l’article 1900 du même code sous-entend qu’il n’est pas nécessaire de fixer de terme pour la restitution des sommes empruntées, le juge pouvant accorder à l’emprunteur un délai suivant les circonstances. La Cour de cassation rappelle à cet égard que, sauf convention de blocage, les comptes courants sont remboursables à tout moment et sont donc par nature à durée indéterminée Note 13 . Dans ce contexte, en présence d’un compte courant d’associé, la pratique constate bien souvent qu’il n’y a pas de convention, pas d’échéance, pas de terme ni d’intérêt ou de remboursements effectifs. Sans le dire, la loi crée ainsi une preuve du caractère normal du prêt très difficile à apporter dans la situation de comptes courants d’associé, sauf à prévoir des conditions analogues à celles d’un emprunt bancaire (acte enregistré, tableau d’amortissement et remboursements périodiques). 3. Élargissement en 2019 des dispositifs anti- abus à la situation des dettes dites in fine ou sans terme contractées par une société 21. - La loi du 30 décembre 2017 (loi de finances pour 2018) crée un dispositif anti-abus pour les dettes dites « in fine » ou sans terme. Étonnamment, ce dispositif codifié à l'article 974, II du CGI visait uniquement les dettes contractées par les redevables de l'IFI eux-mêmes, dans un schéma de détention directe. L'article 973 du CGI qui vise les schémas de détention indirecte ne comportait aucune disposition analogue. Conscient de cet oubli, le législateur Note 14 a « cor- rigé le tir » en ajoutant un paragraphe III à l’article 973 du CGI, lequel renvoie aux dispositions de l’article 974, II du CGI pour la définition du montant déductible. A. - Champ d’application du dispositif 1° Dispositif général visant tous les redevables IFI. . . 22. - Le dispositif mis en place s’applique autant à la situation de redevables de l’IFI fiscalement domiciliés en France qu’à celle de redevables qui n’y sont pas domiciliés. En raison de la nature particulière des prêts qui est visée (emprunt « in fine » ou sans terme), qui demeure une pratique courante chez les banques privées étrangères suisses ou anglo-saxonnes, on relèvera que les investisseurs français ou étrangers qui font appel à ces dernières pour la structuration de leur patrimoine mondial sont particulièrement touchés par ce dispositif. 2° Quelle que soit l’identité du prêteur. . . 23. - C’est un autre point intéressant qui tranche nettement avec la précédente mesure anti-abus. Si, dans le cadre de l’article 973, II du CGI, il n’est pas dif- ficile de demeurer en dehors du champ du dispositif anti-abus, lorsque la SCI s’endette auprès d’un prêteur qui n’est pas visé par ce texte, dans le cadre du dispositif de l’article 973, III du CGI, la loi englobe tous les cas de figure (prêt d’associé, prêt familial, direct ou indirect, et prêt bancaire) et ne se concentre que sur la nature intrinsèque du prêt. 3° Dès lors qu’il s’agit d’une dette in fine ou sans terme. . . 24. - La lettre du texte de l’article 973, III du CGI vise les « prêts prévoyant le remboursement du capital au terme du contrat » et les « prêts ne prévoyant pas de terme pour le remboursement du capital ». La doctrine administrative Note 15 ne donne aucune précision particulière. La première catégorie de prêt fait réfé- rence aux prêts in fine qui permettent à l’investisseur d’obtenir un financement sans avoir à rembourser le capital au fil de l’eau, pour une durée limitée, contre le nantissement de valeurs patrimoniales liquides (le plus souvent des valeurs mobilières). La seconde catégorie, celle des prêts sans terme, est plus difficile à appréhender. En pratique, le type de prêt bancaire qui pourrait se rapprocher de la notion de prêt sans terme pourrait être le crédit lombard qui est proposé sous la forme d’avances à terme fixe de 12 mois. À cet égard, les travaux parlementaires de la loi de finances pour 2019 Note 16 apportent une clarifi- cation bienvenue en faisant expressément référence aux lignes de crédit revolving pour illustrer le cas d'un prêt sans terme . Le compte courant d’associé en raison de sa nature (une fois franchi l’obstacle des clauses de sauvegarde du premier dispositif) pourrait également être considéré comme un prêt sans terme. 4° Contracté pour l’acquisition d’un bien immobilier 25. - Le dispositif est applicable aux dettes « contractées pour l’achat d’un actif imposable ». Il est donc a priori possible d’écarter du dispositif les dettes servant à financer des travaux sur un bien immobilier ou le paiement de dé- Note 11 BOI-PAT-IFI-20-30-30, 2 mai 2019, § 240. Note 12 Cass. com., 18 nov. 1986, n° 84-13.750 : JurisData n° 1986-702820. – L. n° 84-46, 24 janv. 1984, art. 2 relative à l’activité et au contrôle des établissements de crédit abrogé et remplacé par les dispositions de l’article L. 312-2 du Code monétaire financier. Note 13 Cass. com., 10 mai 2011, n° 10-18.749 : JurisData n° 2011-008328. Note 14 L. fin. 2019 n° 2018-1317, 28 déc. 2018. Note 15 BOI-PAT-IFI-20-30-30, 2 mai 2019, § 53 et s. par renvoi au BOI-PAT-IFI-20-40-20, 2 mai 2019. Note 16 Rapp. Sénat n° 147, 22 nov. 2018, p. 405.
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