la revue fiscale du patrimoine
35 B. - Le coût du refinancement et les risques inhérents à l’opération 18. - Coût. – Refinancer un bien immobilier engendre un coût inéluctable, comme toute opération de vente immobilière. Ce coût est particulièrement im- portant dans la mesure où il réunit les frais et taxes supportés par le vendeur et ceux supportés par l’acquéreur au sein du même groupe familial. Du côté du cédant, le refinancement constitue une opération génératrice d’une plus-va- lue taxable. C’est ainsi que le propriétaire du bien peut être redevable d’un impôt allant jusqu’à 36,2 % Note 12 (auquel s’ajoute, éventuellement, une taxe additionnelle de 6 %), sous réserve des abattements pour durée de détention applicables. Du côté du cessionnaire, l’OBO immobilier constitue une vente en- registrée en tant que telle et corrélativement soumise aux droits de mutation à titre onéreux. 19. - Risques. – L’opération de refinancement présente par ailleurs des risques dont il convient de prendre la pleine mesure. Sur le plan civil, tant le locataire que la commune peuvent bénéficier d’un droit de préemption et avoir la faculté, à ce titre, de se porter acquéreurs prioritaires du bien aux conditions proposées. L’existence de ces deux droits de préemption implique naturellement d’être particulièrement vigilant sur le prix de vente retenu. Sur le plan fiscal, un prix décorrélé de la valeur déclarée antérieurement à l’IFI pourrait laisser craindre un redressement au titre des dernières déclarations IFI. Par ailleurs, cette opé- ration circulaire est souvent vue par l’administration fiscale comme une « vente à soi-même ». Elle doit donc être solidement encadrée afin d’échapper aux griefs de l’abus de droit résultant des articles L. 64 (fictivité de l’opération ou fraude à la loi dans un but exclusivement fiscal) Note 13 et L. 64 A du LPF (fraude à la loi dans un but principalement fiscal) Note 14 . 20. - S’agissant de la fictivité . – Il résulte de l’analyse de la jurisprudence que la fictivité de l’opération est souvent invoquée au motif que la société civile cessionnaire du bien immobilier serait elle-même fictive, ce qui entraînerait irrémédiablement la remise en cause de l’opération à laquelle elle participe, la réalité du transfert de propriété étant contestable. De la même manière, une sous-évaluation du bien immobilier est susceptible de caractériser la fictivité de la cession. 21. - S’agissant de la fraude à la loi . – La jurisprudence en la matière concerne essentiellement des opérations de marchands de biens ou des ces- sions de clientèles libérales. Le comité de l’abus de droit fiscal considère régu- lièrement que la confusion d’intérêts entre vendeur et acquéreur (qui peut, par exemple, se déduire d’une identité de personnes ayant la qualité d’associés) implique une fraude à la loi. Certaines décisions du Conseil d’État (rendues sur le fondement de l’article L. 64 du LPF) se montrent toutefois rassurantes à ce titre, en ce qu’elles considèrent qu’un intérêt autre que fiscal suffit à écarter le grief de la fraude à la loi, y compris lorsque les actionnariats de la société venderesse et celui de la société acquéreur sont identiques Note 15 . 22. - Reste toutefois la question du nouvel abus de droit prévu à l’article L. 64 A du LPF ! Ce nouvel article est source de grandes incertitudes à ce jour, faute de jurisprudence sur laquelle s’appuyer. À sa lumière, il apparaît essentiel que l’opération soit motivée de façon prépondérante par d’autres objectifs que celui d’une fiscalité avantageuse (objectif économique : sortie de liquidités et in- vestissement dans de meilleurs placements ; objectif familial : transmission patrimoniale. . . ). Pour autant, une opération de refinancement parfaitement orthodoxe (assise sur une valeur de marché, dont le prix est effectivement ac- quitté, et financée par un emprunt bancaire souscrit à des conditions normales de marché) semble encourir un risque limité à ce titre. La preuve de l’abus de droit sera sans doute difficile à rapporter par l’Administration dans la mesure où il est loisible à toute personne de gérer et arbitrer son patrimoine. 23. - Il n’en reste pas moins que les opérations d’OBO immobilier doivent im- pérativement obéir à une structuration rigoureuse et sur-mesure. La cession doit être animée par des objectifs autres que fiscaux et une attention toute particulière doit être portée à la géographie du capital social de la société cessionnaire (qui doit disposer d’une personnalité morale propre et être dotée d’une véritable substance) ainsi qu’au prix de cession. Note 12 Impôt sur le revenu au taux forfaitaire de 19 % en vertu de l’article 200 B du CGI, auquel s’ajoutent les prélèvements sociaux au taux de 17,2 %. Note 13 LPF, art. L. 64 : « Afin d’en restituer le véritable caractère, l’administration est en droit d’écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d’un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes ou de décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n’ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, si ces actes n’avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. ». Note 14 LPF, art. L. 64 A : « Afin d’en restituer le véritable caractère et sous réserve de l’application de l’article 205 A du code général des impôts, l’administration est en droit d’écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes qui, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes ou de décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ont pour motif principal d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, si ces actes n’avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. ». Note 15 V. not. CE, 27 janv. 2011, n° 320313 : JurisData n° 2011-006772. – CE, 14 oct. 2015, n° 374211 : JurisData n° 2015-023299 ; RFP 2016, comm. 2, note S. Quilici. – CE, 23 juill. 2012, n° 342017 : JurisData n° 2012-026568 ; RFP 2012, alerte 122, obs. J. -J. Lubin. Cette doctrine permet de conserver le droit à déduction des intérêts afférents au nouvel emprunt au titre de l’impôt sur les revenus fonciers, dès lors que (i) l’emprunt substitutif a pour seul objet de rembourser ou se substituer à l’emprunt initial, même de façon partielle et (ii) les intérêts admis en déduction au titre de l’IR n’excèdent pas ceux qui figuraient sur l’échéancier initial, de façon globale (V. BOI-RFPI-BASE-20-80-20, § 100). Sont également déductibles les indemnités de résiliation anticipée et de renégociation du prêt, ainsi que les frais de souscription afférents au nouvel emprunt. Cette doctrine semble par ailleurs relayée en matière d’IFI, dans la mesure où la dette résultant d’un rachat de prêt est déductible de l’assiette taxable si la dette correspondant au prêt racheté était elle-même déductible (V. BOI-PAT-IFI-20-40-10, § 170). © LexisNexis SA
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