la revue fiscale du patrimoine

16 ASSURANCE-VIE visibilité de ces désignations, en attribuant la garantie aux personnes dési- gnées comme bénéficiaires en nue-propriété. Cependant, le plus souvent, dans cette hypothèse, les bénéficiaires subséquents ne sont pas individuali- sés par référence à la nature des droits dont ils auraient été titulaires en cas de survie de l’usufruitier mais par indication nominative ou par référence à une qualité particulière. 13. - En d’autres termes, dans ce type de rédaction, la clause bénéficiaire exprime, nous semble-t-il, clairement l’idée que ce n’est pas en raison de la reconstitution de la pleine propriété que les nus-propriétaires reçoivent la garantie, mais en considération de leur état civil, expressément visé dans la désignation subséquente. Pour que la clause bénéficiaire exprime la divisibilité de la désignation prin- cipale, elle doit être rédigée, non comme une désignation subséquente, mais comme une réaffirmation des droits. Par exemple : FORMULE En l’absence de l’usufruitier pour quelque cause que ce soit, la garantie sera attribuée en raison de l’extinction de la charge gre- vant les droits des nus-propriétaires, à ceux-ci en pleine proprié- té, par parts égales. Attention : L’absence d’une telle clause ou l’existence de la stipulation « à défaut mes héritiers » ne peut pas évidemment s’analyser comme l’expres- sion de la divisibilité de la désignation principale. Une telle lacune exprime surtout une erreur de rédaction. 14. - Ensuite, le caractère indivisible des deux désignations est renforcé par les autres stipulations de la clause bénéficiaire. En effet, les droits des nus-propriétaires, dans ce type de clause, ne sont envisagés qu’en considé- ration de ceux dont aurait pu bénéficier l’usufruitier, si celui-ci avait survécu. Ainsi, dans la plupart des clauses bénéficiaires démembrées, l’usufruitier exerce sur la garantie un quasi-usufruit. De sorte que, pour l’essentiel, la clause envisage les relations entre l’usufruitier vivant et les nus-proprié- taires Note 14 . En particulier, celle-ci précise les obligations de l’assureur, en cas de réalisation du risque assuré, soit la délivrance entre les mains de l’usufrui- tier de la totalité des sommes garanties et la transmission aux nus-proprié- taires de l’information suffisante pour la sécurité de leur droit, au jour du décès de l’usufruitier Note 15 . 15. - En d’autres termes, en désignant certaines personnes en qualité de nu-propriétaire, le rédacteur de l’acte a-t-il nécessairement souhaité subor- donner leur droit à la survie de l’usufruitier ? C’était par exemple la position exprimée par la compagnie d’assurances dans l’affaire tranchée par l’arrêt de la cour d’appel de Douai précité : « En cas de décès du seul bénéficiaire en usufruit avant le décès de l’assuré, les bénéficiaires en nue-propriété ne deviennent pas pour autant bénéficiaires de la totalité des sommes. Si le bénéficiaire en usufruit décède, il ne peut y avoir démembrement. Pour au- tant, l’assurée n’a jamais stipulé qu’en ce cas, les bénéficiaires en nue-pro- priété deviendraient alors bénéficiaires en pleine propriété. Cela n’a pas été écrit » Note 16 . 16. - Ajoutons encore que si la clause stipulait un quasi-usufruit, ce qui est la norme, c’est donc que l’assuré souhaitait essentiellement permettre aux personnes désignées en qualité de nus-propriétaires, de bénéficier de l’appli- cation des dispositions de l’article 1133 du CGI lors du décès de l’usufruitier. C’est pour le nu-propriétaire le principal intérêt de la clause bénéficiaire dé- membrée en quasi-usufruit. Or, en cas de prédécès de la personne désignée en qualité d’usufruitière, celui-ci ne peut prétendre bénéficier de cette dis- position fiscale. REMARQUE Comment alors penser que celui-ci devrait recevoir en pleine pro- priété la garantie, alors que rien dans l’économie de la clause ne le sécurisait contre la dilapidation de ces sommes en cas de survie du bénéficiaire en usufruit ? 17. - Enfin, considérer que les nus-propriétaires doivent recevoir la totalité en propriété en raison du prédécès de l’usufruitier devrait emporter, dans l’hy- pothèse inverse d’une mort frappant prématurément les nus-propriétaires, en épargnant l’usufruitier, un démembrement de la garantie avec les bénéfi- ciaires subséquents, les héritiers par exemple. En effet, c’est la survie des enfants qui, dans l’analyse de la divisibilité de la désignation principale, détermine l’existence de leurs droits. Dans l’hy- pothèse envisagée, la survie de l’usufruitier devrait emporter, dans cette lo- gique, les mêmes effets, l’objet du droit démembré existant toujours. Et le décès des enfants, postérieur à l’exigibilité de la garantie, fussent-ils eux-mêmes sans descendance n’entraîne pas l’extinction de l’usufruit. Une telle logique heurte évidemment le sens commun : il est plus raisonnable de considérer que l’usufruitier ne peut exercer de droits sur la garantie qu’en présence des personnes revêtant expressément la qualité de nus-proprié- taires. 2. Précautions rédactionnelles à prendre 18. - Les développements qui précédent illustrent, nous semble-t-il, l’absolue nécessité d’une rédaction soignée de la clause bénéficiaire démembrée sur ce point essentiel du risque de prédécès de l’un des bénéficiaires de premier rang. Le point le plus délicat a trait à l’hypothèse du prédécès de l’usufruitier. Note 14 La clause prévoit en particulier la délivrance d’un acte de quittance entre les mains des enfants nus-propriétaires, éventuellement la revalorisation de la créance de participation. Note 15 V. M. Leroy, préc. note 2. Note 16 CA Douai, 3e ch., 16 janv. 2020, préc. note 7.

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